Avant que la mémoire s’efface
- Auteur CF(H) Jean-Marie CHOFFEL
- Publié dans Livres, Recensions
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Selon la phrase attribuée à Aristote, « il y a trois sortes d’hommes sur terre : les vivants, les morts et les gens qui vont sur la mer ». Olivier de Kersauson est une véritable illustration de cette troisième catégorie, d’autant que pour le philosophe grec, la mer mentionnée était vraisemblablement la Méditerranée, une « mer intérieure », considérée comme une simple flaque d’eau où l’on se heurte sur la terre à tout bout de champ, par notre navigateur !
Arrivé à l’automne d’une vie bien remplie de bourlingueur à la recherche incessante du dépassement et de la performance inédite, tant en solitaire qu’en équipage, Kersauson nous livre ces « quelques propos maritimes », comme une justification qu’il veut conserver de ses choix de vie hors de la banalité.
Ce Breton, piètre élève en classe, selon son propre aveu, s’est découvert très tôt une passion pour la mer qui borde son pays, non pas tant pour aller voir ce qu’il y a de l’autre côté mais bien pour le large en soi, pour se mesurer à l’océan, aux océans et à leurs furies. Pour les maîtriser, il s’est formé, notamment auprès de l’icône de la voile, Éric Tabarly qui, ayant décelé ses qualités indéniables, l’a fait affecter, lors de son service militaire, en 1967 et 1968, sur la goélette « Pen Duick III », pour en terminer la construction dans les chantiers de Lorient, la convoyer et participer à plusieurs courses.
Au contact d’ingénieurs, météorologues, climatologues, l’ancien mauvais élève maîtrise de mieux en mieux les techniques tout en mettant au même niveau son intuition, développée avec l’expérience. L’ensemble de ses propos nous dévoile un personnage attachant mais dont le souci exclusif de performance personnelle (« c’et la prise de risque qui apporte le bonheur ») peut confiner à l’égocentrisme (« C’est drôlement bien d’être seul, j’adore ça : il faut un système nerveux adapté »). Son Océan préféré est l’Antarctique, qui vit sans l’homme. Il se dit d’ailleurs peu concerné par « l’autre » et n’avoir aucun goût pour la convivialité qu’il méprise comme il méprise la prudence, « l’autre nom de la lâcheté », l’égalité rêvée par un grand nombre, lui semble loin d’être désirable : « il n’y a que les paresseux qui rêvent d’égalité, d’arriver au niveau supérieur sans rien faire ». Cet ouvrage, son huitième, se termine sur la liste impressionnante de ses courses, records et navigations, de 1967 à 2008.
On peut adhérer à beaucoup des considérations qu’Olivier de Kersauson a ainsi couchées sur le papier même si la plupart reflète une exigence au-delà du commun.
CF(H) Jean-Marie CHOFFEL
10/02/2025
Avant que la mémoire s’efface
Olivier de Kersauson
Editions du Cherche Midi