Les couleurs des bateaux gris

Que voilà donc un livre sympathique et plaisant ! Certes, les grincheux feront observer que, depuis les mémoires (plus ou moins fictifs) de Pythéas, les rayons des bibliothèques croulent sous les souvenirs d’officiers de marine de tous les pays et de toutes  les époques, mais, vraiment, celui-ci se situe très au-dessus de la moyenne. Voyons donc cela de plus près.

L’auteur, pour commencer, est manifestement un « enfant de la chance », puisqu’en cette époque où le nombre de nos bâtiments de guerre diminue comme peau de chagrin, il ne totalise pas moins de huit embarquements, dont trois commandements. À partir de cette vaste expérience navale, il nous fait partager un choix éclectique d’anecdotes judicieusement choisies et narrées dans un style fluide et agréable. Cela commence lors de sa campagne à bord de la Jeanne d’Arc, où une escale aux U.S.A. lui inspire la réflexion suivante (p. 20) : « les militaires jouissent aux  États-Unis d’une grande estime de la population qui nous aborde fréquemment pour nous remercier de notre engagement, ce que je n’ai jamais connu en France (cela a-t-il changé depuis ? J’en doute !). Nous donnons ensuite dans le pittoresque, avec l’inoubliable expérience  d’une vague scélérate rencontrée dans la mer de Corée à bord du Commandant Birot, Sur le plan opérationnel, nous suivons la subtile interception d’une embarcation de narcotrafiquants par le Jean de Vienne, puis les aléas d’une mission d’évacuation de civils du port de Beyrouth, bombardé par les Israéliens en 2006 (hé oui, déjà !). Nous découvrons ensuite les îles Éparses, joyaux de l’océan Indien, à bord du La Grandière, puis prenons conscience de ce nouvel espace d’affrontements stratégiques que sont devenus récemment les fonds marins. À l’issue de la difficile récupération par le Latouche-Tréville du pétrolier français Adour, enlevé par des pirates dans le golfe de Guinée, l’auteur prend le commandement du patrouilleur polaire l’Astrolabe, à bord duquel il va bourlinguer entre la Terre Adélie et les îles Kerguelen, portant assistance au passage à un concurrent du Golden Globe Challenge (à ce propos, j’ignorais que des albatros munis de capteurs servaient à repérer les pêcheurs illégaux dans ces vastes espaces). Cette odyssée se termine en point d’orgue à bord de l’Aquitaine (que l’auteur commande actuellement), par des considérations pertinentes sur la lutte anti sous-marine, mais aussi sur l’aggravation de la situation sur les océans, avec l’éclosion de multiples conflits tout autour du globe. Tout cela est réellement passionnant et apte à intéresser les spécialistes autant que les profanes.   

Des critiques ? Voyons voir. Ah oui ! Il ne faut pas parler (p. 94) de terras incognitas, mais de terræ incognitæ (on n’apprend donc plus le latin à l’École Navale ?). Ah, et puis une note aurait été utile à la page 160 pour apprendre aux « éléphants » ce qu’est un « martyr »…

CV(H) Philippe HENRAT
24/11/2024

Les couleurs des bateaux gris
François TRYSTRAM
Nautilus

Voir également la recension du LV(H) Dominique RENIE

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