A l’école de l’Amiral Courbet
- Written by CF(H) Jean-Marie CHOFFEL
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L’auteur, spécialiste d’Histoire, notamment de la Marine et de la Grande Guerre, est le descendant de l’Amiral Antoine Schwerer qui servit sous les ordres de l’Amiral Courbet et les informations contenues dans son livre incluent des souvenirs inédits provenant des archives personnelles de son ancêtre.
Issu d’une famille bourgeoise d’Abbeville, Anatole, Amédée, Prosper Courbet naquit en 1827, petit dernier d’une fratrie de 3 enfants. L’insouciance et la turbulence de ses premières années s’interrompent brutalement au décès accidentel de son père, suivi de près de celui de sa mère, morte de chagrin. Le frère aîné dut abandonner le séminaire pour faire vivre la famille et s’assurer de l’éducation d’Anatole qui finit par se résoudre à mettre sa vivacité d’esprit à réussir ses études, jusqu’à intégrer la prestigieuse école polytechnique. Après les soubresauts de 1848, le directeur de cette école, le Général Poncelet, le dirige vers la Marine et il embarque à Toulon, sur l’Océan comme Aspirant de 1re classe. Son caractère est déjà forgé au sens du devoir à tous égards. Il se consacrera donc exclusivement à la voie qu’il a choisie. Impatient de prendre part aux combats de la France, ses qualités d’ingénieur et ses dons de réflexion et d’observation le font vite remarquer de ses supérieurs et il avancera dans les postes d’étude, d’enseignement (école du canon) et d’Etat-Major. Unanimement apprécié, bien noté et nommé Contre-Amiral, ce catholique à la foi bien ancrée, finit, au début des années 1880, par se voir intimer par l’Amiral Jauréguiberry l’ordre de prendre, le poste de gouverneur de la Nouvelle-Calédonie. Il y résistera aux directives anticléricales de la Métropole et refusera de dissoudre les congrégations religieuses tout en développant l’économie agricole et industrielle du territoire qu’il quitte, au bout de 2 ans, là encore, regretté de tous.
Enfin nommé à la tête d’une division navale, Courbet embarque à bord du Bayard. Le massacre de plusieurs marins français et du Commandant Rivière, par les « Pavillons noirs », près de Hanoï, change subitement sa mission. Il se voit enfin chef de guerre pour ramener la Chine à de meilleurs sentiments. Soumis aux directives changeantes des tergiversations du gouvernement de Jules Ferry, c’est en économe de la vie et des peines de ses subordonnés qu’il exécute au mieux les ordres contradictoires qu’il reçoit. Il devient le vainqueur de Fou-Tchéou, entreprend le blocus de Formose qui lui est imposé, puis réalise le coup d’audace de Sheï-Poo, où son escadre réussit à couler plusieurs navires chinois et, enfin, la prise des îles Pescadores et de leur mouillage abrité, qui eurent pu constituer un fameux compétiteur commercial au Hong-Kong des Britanniques.
Négligeant sa propre santé, Courbet est rattrapé par la maladie qui le rongeait depuis des années et s’éteint à bord du Bayard, sa tâche accomplie et pleuré par tous les militaires sous ses ordres. Il s’est imposé comme le modèle de l’officier de Marine, ce que l’auteur résume dans cette citation du Lieutenant de Vaisseau Julien Viaud, alias Pierre Loti, après la victoire de Sheï-Poo : « Il se montrait très avare de ce sang français. Ses batailles étaient combinées, travaillées d’avance, avec une si rare précision que le résultat, souvent foudroyant, s’obtenait toujours en perdant très peu des nôtres. Et ensuite, après l’opération qu’il avait durement menée avec son absolutisme sans réplique, il redevenait un autre homme, très doux.
A son école ont été formés ceux qui devinrent les Amiraux de la Grande Guerre pour qui, comme pour lui, seul a compté l’honneur de servir avec abnégation et qui l’ont rejoint dans un profond oubli malgré la grandeur de l’action accomplie.
Il était donc important que François Schwerer remette sur le métier l’ouvrage d’un souvenir exemplaire.
CF(H) Jean-Marie CHOFFEL
01/11/2023
A l’école de l’Amiral Courbet
François Schwerer
Temporis