Le passeport de Monsieur Nansen
- Auteur LV(H) Bruno LEUBA
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Biologiste de haut niveau, explorateur audacieux et infatigable, diplomate et prix Nobel de la paix, voilà résumées brièvement les trois étapes marquantes de la vie de Fridtjof Nansen (1861-1930) qu’Alexis Jenni raconte avec brio. Il commence, si l’on peut dire, par la fin, en nous présentant en prologue une vieille dame presque centenaire, Madame Abkarian, sa voisine à Paris, une émigrée d’Arménie, qui a pu arriver en France grâce au fameux passeport Nansen, mis en place en 1922, lors des grands mouvements de population et des déplacements de réfugiés qui ont suivi la première guerre mondiale. Le passeport Nansen (lépapié, comme elle l’appelle) fut le miracle de la vie de Madame Abkarian. Elle garde précieusement ce Sésame, et ce qu’elle en dit à l’auteur amène celui-ci à suivre la route de son créateur, ce paladin moderne. Ce lien affectif donne au livre un ton très personnel. Alexis Jenni a rassemblé avec beaucoup de soin et de ténacité le maximum d’informations, de récits et de documents pour reconstituer le fil de la vie et des activités successives de Nansen, en général peu connu. Il livre le résultat de ses recherches, donne son avis sur les évènements, raconte, explique et commente en utilisant fréquemment le « je », emmenant ainsi le lecteur avec lui.
Nansen, enfant du second mariage de son père, fait des études et des recherches en biologie sur le système nerveux : il est parmi les découvreurs des particularités du neurone, mais l’histoire l’oubliera. Champion de patinage et de ski de fond, il décide de traverser le Groenland à pied, d’Est en Ouest. Première expédition téméraire. Puis il veut rejoindre le pôle Nord. Il n’y arrivera pas, car la dérive des glaces créée par la force de Coriolis (il le comprendra plus tard) l’empêche d’atteindre son objectif, mais il sera un temps l’homme qui a été le plus proche du Pôle (Farthest North sera le titre de son livre). Au retour, pris par l’hiver, il s’arrête près d’un an avec un de ses compagnons, s’enterrant plusieurs mois dans une cabane pour survivre. Par la suite, il donnera des conseils à Amundsen, premier à atteindre le pôle Sud.
Puis il œuvre pour l’indépendance de la Norvège, acquise en 1903. Après la guerre, il se met au service de la diplomatie de son pays, mais surtout de tous les malheureux de tous pays qui ont tout perdu et jusqu’à leur patrie.
Nansen était doué d’un caractère abrupt, extrêmement exigeant pour lui et pour les autres comme on peut le voir dans le détail de ses expéditions, probablement peu facile à vivre – sa vie familiale paraît heurtée -, mais il était d’une volonté farouche et se donnait totalement à ce qu’il avait choisi de faire.
Une vie d’audace, de tourments, d’efforts, de courage. Et Madame Abkarian, entourée d’affection, a pu finir paisiblement ses jours sur une terre amie.
LV(H) Bruno LEUBA
13/03/2023
Le passeport de Monsieur Nansen
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