Corto Maltese – Océan noir

Il y a vingt ans, océan Pacifique. Corto Maltese se retrouve en possession d’un vieux livre espagnol, qu’il tient d’un japonais dont il vient de sauver la vie. Poursuivi par les yakuzas de la secte Océan Noir, suivi par les agents du Naichō, Corto se met en quête du trésor des Incas, objet du grimoire. Du Japon au Pérou et par-delà même, il croise sur son chemin des ultra-nationalistes nippons, le FBI, des trafiquants de drogues. Sans oublier la folie de son vieil ami Raspoutine. Et le regard mélancolique de Freya, une ancienne maîtresse toujours éprise. Que trouvera Corto au bout de cette aventure ?

Martin Quenehen, jeune scénariste – c’est là son deuxième ouvrage – s’attaque ici à un monument de la bande dessinée. Avec un parti-pris, celui de plonger Corto Maltese dans la modernité du 21ème siècle. Les références aux éco-warriors ou aux attentats du 11 septembre 2001 sont là pour dater l’époque. Les marqueurs de la légende se retrouvent comme autant de références : un héros à la fois rêveur et prompt à l’action, amoureux de la gent féminine, fougueux et impassible, impertinent et philosophe ; des femmes de caractère, ancrées dans la vie qu’elles affrontent avec courage ; des combats, de la langueur et des ellipses. Tout y est ou presque.

Bastien Vivès, que l’on connaît notamment pour ses ouvrages Polina ou Une sœur, lui emboîte le pas. Comme le maître aux origines, dans une version noir et blanc, il joue des ombres et de la lumière, dévoilant tour à tour un personnage ou une partie de visage. Ainsi se pose le mystère. Le trait est moins net que celui de Pratt, les nuances de gris plus franches. Les personnages semblent moins élancés, sans pour autant manquer de vigueur. Et les courbes de Freya valent celles de Pandora, Bou­che Dorée, ou Changaï Li.

S’agissant d’une œuvre originale, le lecteur s’enthousiasmera sans difficulté. Le scénario et le dessin ne sont pas sans valeur, loin de là. Les auteurs ne déméritent en rien, et – disons-le nettement – cette bande dessinée tient la route et vaut le détour.

Mais dans cet exercice délicat qui consiste à se confronter à l’œuvre d’Hugo Pratt, fût-ce sous forme d’inspiration et non de reprise, le lecteur aura du mal à se défaire de l’ombre portée du maestro et de la légende du marin vénitien. La modernité assumée fait certes entrer les personnages dans une ère nouvelle. Ceux-ci y perdent toutefois ce qui faisait le sel de l’original : un héros et des héroïnes à contre-courant des stéréotypes de l’époque, de l’indépendance et, pour tout dire, de l’allure.

Aussi, on ne saurait que recommander aux afficionados d’abandonner leurs habitudes et leur prévention avant de se plonger dans cet Océan noir. Et à tout lecteur de se laisser porter. C’est le gage d’une bonne lecture.

CC(R) Jean-Pascal DANNAUD
02/01/2022

Martin Quenehen et Bastien Vivès, d’après Hugo Pratt
Océan noir
Casterman, septembre 2021

Voir également la recension du CF(H) Alain M BRIERE

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