L’auteur, Fabien Clauw, est un navigateur de renom qui a participé à plusieurs courses en solitaire mais qui doit également souffrir d’insomnie puisque c’est lors d’un tour à la voile de l’Atlantique qu’il a pris sur ses rares moments de repos pour imaginer et écrire les aventures de Gilles Belmonte, capitaine bordelais de la frégate L’Égalité  !  Le roman qui nous concerne ici est le cinquième de la série, commencée en 2012 et dont plusieurs ouvrages précédents ont été distingués par l’Académie de Marine, couronnés par le Prix Écume de Mer et même, en 2018, de notre Prix Marine – Bravo Zulu.

Cinquième étape de la saga Belmonte, « Trafalgar la sanglante » narre la participation du héros au désastre à épisodes de plus d’un an, démarrant avec le projet napoléonien d’invasion de l’Angleterre, dont la montée en puissance, de Toulon aux Antilles, avec des implications tentatives ou avérées jusqu’à l’Égypte, Gibraltar, Le Ferréol, Rochefort et Brest culmina, après un ralliement avorté en Manche, dans la désastreuse défaite de Trafalgar, le 21 octobre 1805. L’auteur recense, du point de vue de son héros imaginaire au ras du terrain ou, plutôt, des flots, la succession de fortunes, de manque de chance ou de météo propice mais aussi et particulièrement d’erreurs de commandement ou de choix de chefs dont celui, surtout du chef suprême, Napoléon, dans sa désignation de ceux-ci.

Il faut dire que le bouillant Corse, ne pouvant commander à Éole ni aux brumes, avait quelque excuse dans le domaine maritime où, contrairement à son expérience sur terre, il n’avait guère de contact direct avec un encadrement naval, décimé pendant les années de Révolution tant par la guillotine que par l’émigration, voire les guerres de l’Ouest. Il devait bien, en la matière, se fier à une haute hiérarchie ministérielle pas toujours à la hauteur et parfois plus attachée à faire carrière qu’à prendre des décisions audacieuses. Grisé par ses victoires sur le continent contre les forces coalisées financées par la Grande-Bretagne, l’Empereur se détourna vite du mauvais souvenir de Trafalgar.  Au point de n’en pas réellement blâmer les responsables (hormis le malheureux Villeneuve, « suicidé » dans son auberge sans avoir pu s’expliquer) et d’avoir manqué de réaliser son visionnaire projet du Camp de Boulogne qui eût probablement mis pour longtemps un point final aux guerres de coalition.

Notre héros, le capitaine Belmonte, plutôt figurant dans cette étape de la saga, vu ici la prévalence de l’Histoire, s’en tire sain et sauf, malgré le combat acharné avec son alter ego anglais, le capitaine Lacey et sa frégate Valorous  car, bien sûr, un sixième épisode est dans les cartons de Fabien Clauw. Rejoignons l’Amiral Loïc Finaz dans son propos de préface : ces aventures feraient un magnifique scenario de série télévisée, pendant de celles britanniques du Capitaine Jack Aubrey de Patrick O’Brian. Reste à savoir si le sujet serait à la mode auprès de nos producteurs cinématographiques ou télévisuels en cette période de « cancel culture » !

CF(H) Jean-Marie CHOFFEL
12/08/2021

Trafalgar la sanglante
Fabien Clauw
Editions Paulsen

Voir également la recension du CC(R) Lionel DUHAULT et du LV(H) Dominique RENIE