Hitler et la mer

Il ne suffit pas de partir à point, il faut également courir et dans le bon sens.

Hitler a en grande partie perdu la guerre pour l’avoir déclenchée certes à toute allure (Blitzkrieg), mais trop tôt, avant que l’Allemagne soit dotée d’une marine cohérente capable notamment d’assurer son approvisionnement en acier, mais aussi de contrer la Royal Navy et de contrarier le trafic transatlantique.

François-Emmanuel Brézet, ancien officier de marine, brillamment reconverti en historien et spécialiste de l’Allemagne, expose avec clarté les raisons pour lesquelles Hitler a manqué de longue vue.

Viscéralement terrien et victime du mal de mer, Hitler est fondamentalement orienté vers une stratégie continentale, la ‘politique du sol’ décrite dans son Mein Kampf (1924). Contraint par les évènements il révisera mais trop tard, son avis sur la composante maritime de l’Allemagne.

Il est vrai que la Flotte impériale s’était montrée inutile avant de se saborder en rade de Scapa Flow, la guerre sous-marine à outrance avait précipité l’entrée en guerre des Etats-Unis, les mutineries de novembre 1918 étaient dans toutes les mémoires et le Traité de Versailles réduisait la Reichsmarine à la taille d’une flotte d’exercice. Pas de quoi pour le Chancelier d’Allemagne, encourager la renaissance d’une future Kriegsmarine !

Seul le chef d’Etat-major de la Marine l’amiral Erich Raeder, semble avoir eu une stratégie maritime cohérente. Elle est contestée par Hitler qui veut imposer sa théorie du ‘trop fort n’a jamais manqué’ (il suffit d’être plus gros que l’adversaire pour l’emporter), au détriment du ‘mieux adapté, mieux armé’ prôné par Raeder. Par ailleurs, il est convaincu qu’il n’est pas nécessaire de trop muscler sa marine, persuadé que l’Angleterre ne s’opposera pas à sa conquête du Continent tant qu’il lui laissera la maîtrise des mers. L’accord naval Anglo-Allemand est conclu en 1935 et le choix du tonnage construit, en contournant les traités de limitation de l’armement naval, n’est pas des plus judicieux.

François-Emmanuel Brézet examine dans le détail l’incidence de chacune des décisions du Führer qui n’a de cesse de contrarier les idées de Raeder. Ce dernier finira par démissionner en 1943, remplacé par l’Amiral Dönitz. Un plan ambitieux de construction navale est alors mis en œuvre. Trop tard pour voir le jour à temps, Hitler n’ayant pas pris en compte les délais nécessaires pour construire des navires versus un char ou un avion, ni le manque de main d’œuvre qualifiée, ni la pénurie d’acier, ni la raréfaction des crédits attribués en toute priorité à la Wehrmacht…

L’auteur analyse avec finesse ces décisions erronées, ces atermoiements, ces rivalités dans l’entourage d’Hitler qui vont réduire très sensiblement le rôle de la Kriegsmarine, devenue incapable de gagner la Bataille de l’Atlantique et briser les lignes de ravitaillement de l’Angleterre. On sait ce que ça lui en coûtera.

Très intéressant ouvrage de référence à l’heure où malheureusement, un nombre grandissant de jeunes compatriotes nous surprend à dire « Hitler ? connais pas »

CF(H) Alain M. BRIERE
10/02/2020

Hitler et la Mer
François-Emmanuel Brézet
Editions Perrin

Voir également la recension du CF(H) J.M. CHOFFEL et du CV(H) Gérald BONNIER

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