Les voiles de la République

Quelle bonne surprise ! Depuis bien longtemps, nous attendions en France un roman d’aventures maritimes digne de ce nom (Mac Orlan, Peisson, Vercel, c’est loin …). Grâce au docteur Ferrandiz, descendant d’une glorieuse lignée de marins ibériques et ayant lui-même servi jadis sur le dragueur Mercure, ce souhait est aujourd’hui exaucé.

L’histoire se déroule en l’an II de la République (1793). Un jeune aspirant de 1ère classe, Athanase Delrieu, fils de notaire tourangeau, est embarqué sur la frégate la Lutine. Patrouillant aux abords des Minquiers, celle-ci rencontre une des ses homologues britanniques et les deux bâtiments se livrent un combat acharné et sanglant qui se solde par un match nul. Tous les officiers français ayant été tués ou grièvement blessés au cours de l’engagement, l’aspirant Delrieu prend le commandement et ramène la Lutine à Saint-Malo malgré ses avaries, laissant la Thames lécher ses plaies. À la suite de cet exploit, notre héros est promu enseigne de vaisseau par le tout-puissant représentant en mission Jeanbon-Saint-André et nommé au commandement du cotre le Furet, à bord duquel il va poursuivre ses exploits dans la Manche, puis outre-Atlantique au sein de la division navale envoyée aux États-Unis sous le commandement du contre-amiral Van Stabel afin d’escorter un énorme et vital convoi de blé à destination de la  France, alors menacée par la famine. L’histoire s’achève avec l’entrée à Brest du convoi, précédant l’armée navale du vice-amiral Villaret-Joyeuse, sérieusement malmenée par la flotte de l’amiral anglais Howe mais stratégiquement victorieuse. Inutile de dire que nous attendons avec impatience la suite des aventures de l’enseigne Delrieu et de ses démêlés avec les Anglais, mais aussi avec les Chouans et avec certains sans-culottes fanatiques qui ne le portent pas dans leur cœur.

L’intrigue est assurément passionnante et on se prend à dévorer ces 500 pages sans éprouver le moindre sentiment de lassitude, d’autant que, contrairement à la série des « Hornblower » de Cecil Scott Forester ou  à la saga de Richard Bolitho d’Alexander Kent (un peu moins chez Patrick O’Brian), les Français ne sont pas systématiquement les victimes désignées d’avance des Britanniques. En outre, on ne peut trop souligner le remarquable souci d’exactitude historique de l’auteur : nous n’avons, pour notre part, relevé aucune erreur grave au fil du texte et les sources d’archives ainsi que l’abondante bibliographie (Georges Bordonove, Jean Boudriot, les amiraux Maurice Dupont, Hubert Granier et Edmond Jurien de La Gravière, en particulier) sur lesquelles il s’est appuyé pour rédiger son livre méritent le respect. Et nous ne pouvons résister au plaisir de signaler incidemment (page 180) la discrète mais très claire allusion au célèbre tableau de Jean-François Hue qui montre l’ingénieur-constructeur Jacques-Noël Sané présentant le plan d’un vaisseau à Jeanbon-Saint-André devant le port de Brest en pleine activité.

Bref, il s’agit là d’un excellent ouvrage, au style agréable, plein de verve et de pittoresque, qui apporte une image authentique de la jeune marine républicaine, souvent trop mal connue. Nous ne pouvons donc que recommander sa lecture avec le plus vif enthousiasme en espérant que nous n’aurons pas trop longtemps à attendre le volume suivant.

 

CV(H) Philippe HENRAT
30/06/2017

 

Les voiles de la République
Antonio Ferrandiz
Orléans, Corsaire Éditions, 2016,

 

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