Cézembre au début du XXème siècle, charmante petite île du golfe de Saint-Malo, aux deux plateaux qui lui donnent sa forme caractéristique, but de promenades bucoliques voire romantiques.

Cézembre pendant la Deuxième Guerre mondiale, fortifiée par l’organisation Todt qui en fait l’un des points d’appui les plus solides du Mur de l’Atlantique, puis pilonnée par les Alliés en 1944, recevant bombes au phosphore et premières bombes au napalm, jusqu’à n’être plus qu’une zone désertique et truffée d’engins explosifs.

Cézembre au début du XXIème siècle, très partiellement déminée pour permettre l’accès à une plage, un unique sentier et un petit estaminet, ayant retrouvé au fil du temps une belle diversité de sa flore et de sa faune, et où l’on découvre dans une galerie d’un bunker allemand un cadavre datant de bien avant la guerre.

Cézembre dont la silhouette aux deux plateaux définit la marque commerciale de la maison malouine Kérambrun et Fils fondée en 1903 par Octave de Kérambrun, jeune et brillant polytechnicien, pour concevoir des moteurs marins innovants et développer le commerce maritime, notamment avec les îles anglo-normandes.

Cézembre qui fait face au Sillon où Yann de Kérambrun, historien et arrière-petit-fils d’Octave, vient de s’installer dans le manoir construit par son arrière-grand-père dans les années vingt pour affirmer sa réussite et abriter sa famille. Dans le bureau d’Octave, laissé intact depuis son décès, Yann découvre des archives familiales et commerciales passionnantes. Leur dépouillement laborieux et leur délicate analyse lui permettra petit à petit de reconstituer l’histoire douloureuse de sa famille, de comprendre l’apparent manque d’amour de son père à son égard et, après bien des hypothèses chaque fois contestées par les évènements et le dépouillement des archives, de parvenir à la résolution du secret familial.

Cézembre, d’Hélène Gestern, chez Grasset, est un bel ouvrage, d’un style élégant, aux personnages d’une densité Balzacienne, à l’intrigue bien conçue, au suspense remarquablement géré, jusqu’au final inattendu qui donne tout son sens au récit. Un ouvrage indispensable dans la bibliothèque de tous les Malouins (et de tous les autres aussi), à lire assis sur la digue du Sillon en contemplant Cézembre (ou partout ailleurs). Un excellent livre de vacances, mais beaucoup plus que seulement cela : de la vraie littérature, comme on en trouve de moins en moins chez nos libraires.

LV(H) Dominique RENIE
28/07/1980

Cézembre
Hélène Gestern
Grasset

Voir également la recension du CF(H) Philippe BEAUCHESNE et la recension du LV(H) Bruno LEUBA