Aidan a grandi dans l’absence. Le naufrage de ses parents, un soir en Bretagne, alors qu’il était enfant, lui est une tragédie qu’il n’a pu pénétrer. Subsistent l’aversion pour la mer et une blessure brûlante. Arrivé à l’âge d’homme, il décide de renouer avec son histoire et la leur. Il retourne à Locmaricq, au large duquel le couple a disparu, pour tenter de comprendre. Dans ce petit port, son enquête se heurte à la mauvaise conscience qui hante les habitants depuis le drame. Il y rencontre également Manon, une jeune artiste qui saisit ses fêlures et décide de l’aider à les surpasser. Auprès d’elle, Aidan découvre l’amour, l’océan et la navigation. La promesse du large. Sera-t-il assez robuste pour y faire face ?

Il est des quêtes de vérité qui sont aussi des quêtes de soi. Arnaud de La Grange avait déjà suivi ce fil dans son précédent roman, Le huitième soir. Il le renoue ici avec talent dans ce beau roman maritime. Son héros, longtemps, a refusé la réalité ; il a bâti pour s’en protéger des digues qui désormais menacent ruine. Or, nul n’échappe pas à son existence : elle vous ronge à petit feu si on la refuse ou elle vous laisse ses marques si on l’étreint pleinement, à bras le corps. A tout prendre, la vérité n’est-elle pas ce qui apaise le mieux l’âme ? Et la fièvre de l’aventure et le risque de l’engagement ne sont-ils pas plus beaux parce qu’ils sont porteurs d’espoir ?

Arnaud de La Grange sait montrer la mer, ses eaux claires au soleil en bordure de côtes, comme le trait d’écume blanche qui surplombe les vagues noires, teintées de gris vert, au cœur d’un coup de tabac. Il connaît son vocabulaire marin, qui accompagne plaisamment ses routes maritimes. Il connaît les plaisirs et les dangers de la navigation qui peut mener à la fortune de mer. Plus encore, il est un peintre habile des tourments intimes, des blessures profondes et des cicatrices qui marquent à jamais. C’est en artiste qu’il donne à voir la rugosité taiseuse des marins mêlée de tendresse, et les amours blessés qui ne demandent, malgré tout, qu’à se déployer pour peu qu’on les reconnaisse.La promesse du large est une belle histoire de réconciliation d’un homme, avec l’océan et avec lui-même. C’est un beau livre maritime, mais c’est plus que cela. La promesse du large est un roman, où les houles intérieures se mêlent aux embruns des tempêtes et à l’écume de mer. Un livre d’écrivain qui pousse à la navigation et appelle au dépassement de soi. Un phare magnifique dans le glaz.

 CF(R) Jean-Pascal DANNAUD
05/05/2024

Arnaud de La Grange
La promesse du large
Editions Gallimard – février 2024

Voir également la recension du LV(H) Bruno LEUBA