En bon Français, bercés par l’histoire de France telle que nous l’enseignent les programmes de l’Education nationale, nous n’avons jamais entendu parler du conflit larvé, à la limite de la guerre ouverte, qui a opposé la France aux Etats-Unis entre 1796 et 1800. Nous sommes convaincus d’être les premiers alliés des Etats-Unis, ayant avec Lafayette, De Grasse et bien d’autres contribué à l’indépendance de cette colonie britannique, et restés grands amis depuis lors. Comment imaginer que, moins de quinze ans après la fin de la campagne de l’amiral de Grasse, d’anciens alliés aient pu se combattre aussi âprement ?

Éric Schnakenbourg, brillant chercheur en histoire, nous explique tout cela d’une manière limpide. Il nous détaille le contexte : guerre entre la France et la Grande-Bretagne, commerce intense entre la Grande-Bretagne et les Etats-Unis, neutralité des Etats-Unis mais divergence d’interprétation par la France et les Etats-Unis de cette neutralité, entrée en lice des corsaires français chargés de confisquer les cargaisons et les navires neutres trafiquant des produits de l’ennemi anglais. Tout cela est attisé par le mépris des Français pour ces colons américains mal dégrossis, leur dépit de l’ingratitude américaine oublieuse de l’aide apportée lors de la guerre d’indépendance, l’agacement des Américains devant les Français prétentieux et leurs offres de négociation sans réelle volonté de trouver un terrain d’entente.

Parmi les épisodes passionnants liés à cette Quasi-War, parfois dénommée half war with France ou French Naval War, on peut citer la création de l’US Navy et du corps des Marines pour lutter contre les corsaires français, la demande de pot-de-vin par Talleyrand aux négociateurs américains avant tout début des négociations, l’adoption en 1798 du Logan Act interdisant les négociations privées non autorisées par le gouvernement – suite à l’intervention malvenue de Logan auprès du Directoire – et la loi de 1798 sur les étrangers légalisant l’internement de tous les ressortissants des pays avec lesquels les Etats-Unis sont en conflit. On notera également avec intérêt qu’à cette époque, l’opinion américaine était gravement divisée en deux factions opposées.

Le livre d’Éric Schnackenbourg est bien écrit, facile à lire, clair et concis. Il développe brillamment la manière dont deux pays a priori amis peuvent entrer en conflit par orgueil et incompréhension. Il rappelle comment la politique intérieure pervertit les relations extérieures. En conclusion de son ouvrage, l’auteur mentionne à très juste titre la déclaration de Jefferson en 1801 à l’occasion de son entrée en fonction comme président des Etats-Unis : « Paix, commerce, et amitié honnête avec toutes les nations, mais alliances contraignantes avec aucune ». Rien ne saurait être plus d’actualité que ces paroles vieilles de plus de deux siècles.

LV(H) Dominique RENIE
10/02/2024

LA QUASI-GUERRE
Le conflit entre la France et les Etats-Unis – 1796-1800
Éric SCHNAKENBOURG
Tallandier

Voir également la recension du CV(H) Philippe HENRAT