Alexis Jenni a démarré en fanfare sa carrière littéraire : le prix Goncourt pour son premier roman, en 2011. Faisant preuve d’une puissance de travail tout à fait admirable, il poursuit depuis lors une œuvre dense et riche, alternant romans, essais, livres de spiritualité et biographies. Il a également assuré une chronique hebdomadaire pendant deux ans dans le journal La Croix.

Il publie maintenant aux éditions Paulsen Le passeport de Monsieur Nansen. Nous avons tous plus ou moins entendu parler de Fridtjof Nansen, l’explorateur polaire de la fin du XIXème siècle. Nous avons également rencontré ici ou là des mentions du passeport Nansen, établi pour les réfugiés. Mais savions-nous que le passeport était l’œuvre de l’explorateur polaire ? Personnellement, je n’avais pas fait le lien.

Dans sa biographie de Fridtjof Nansen, Alexis Jenni nous raconte la vie de cet homme hors du commun. Il nous décrit son enfance, son caractère, ses amours, ses explorations, sa célébrité et son œuvre humanitaire. Il entre dans la psychologie du héros, décrypte le personnage qu’il se construit, nous explique sa conception de l’exploration, basée sur la légèreté et la vitesse, et nous donne à connaître l’extraordinaire résistance physique et mentale dont ses compagnons et lui ont fait preuve. L’une des grandes forces du livre d’Alexis Jenni tient dans la capacité qu’il a, en quelques paragraphes et sans longueurs inutiles, de faire percevoir au lecteur l’extrême durée et les conditions incroyables affrontées lors de certains hivernages.

Ce livre se dévore avec passion. Par certains côtés, il fait un peu penser au livre de Joseph Kessel, Les mains du miracle, qui décrit comment un masseur finlandais a réussi pendant la Seconde Guerre mondiale à arracher à Himmler qu’il soignait de nombreux Juifs destinés aux camps de concentration. C’est le même art du récit. Et c’est la même obstination d’un homme pratiquement seul qui, dans le cas de Nansen, se retrouve à rapatrier de Russie en Allemagne 250 000 prisonniers de guerre allemands qui seraient sinon morts de faim et de froid. Cette opération réussie, la SDN lui confie le sort des centaines de milliers de Russes blancs réfugiés aux alentours de Constantinople, puis celui des nombreux Ottomans chrétiens (grecs et arméniens) chassés par les Turcs en 1922. C’est à ce moment-là qu’est créé le passeport Nansen qui permettra alors, et jusqu’en 1945, à des millions de réfugiés de retrouver une existence légale et de dépasser le statut d’apatride auquel ils étaient sinon condamnés.

Lisez et faites lire Le passeport de Monsieur Nansen.

LV(H) Dominique RENIE
29/01/2023

Le passeport de Monsieur Nansen
Alexis Jenni
Paulsen

Voir la recension du LV(H) Bruno LEUBA