« À bord du Georges Philipar, nous étions déjà en permanence sur scène », constate quelque part dans ses pages, Pierre Assouline. Son dernier roman aurait pu se dérouler aussi bien dans un théâtre que sur le pont d’un paquebot. On parle beaucoup au cours d’une croisière d’autant que les passagers n’ont pas grand-chose d’autre à faire au cours des journées.

Le choix de ce navire n’est pas fortuit. Nous savons, du moins ceux qui ont croisé le reporter Albert Londres, que son retour de l’Extrême-Orient s’achèvera dans les flammes au large du cap somalien de Gardafui le 16 mai 1932.

Le romancier, très minutieux s’attache à placer les évènements se déroulant à bord dans le contexte historique de l’époque, notamment la montée du national-socialisme. Cela entraîne de nombreuses discussions entre le narrateur et des Allemands. On parle beaucoup dans ce livre. Les réflexions philosophiques sur la littérature, différentes classes sociales circulent entre les parties de bridge, les tea time et des dîners.

Nous apprenons au fil des pages que le narrateur est libraire d’ancien, de quoi réjouir les bibliophiles qui iront vérifier ses dires dans les bibliographies. Outre les amours, les camaraderies, les antipathies qui, naturellement, sont le lot des croisiéristes, Pierre Assouline, disciple d’ Alfred Hitchcock, distille çà et là des MacGuffin, destinés à entretenir un suspens. Ici, dans ce récit, le meurtre est celui du paquebot. L’assassin se nomme insécurité. Le naufrage attendu donne lieu à un récit d’action. C’est à ce moment que nous nous apercevons que nous sommes en mer. Pierre Assouline dont nous reconnaissons le talent a réalisé dans Paquebot, une performance verbale jubilatoire à laquelle il manque toutefois les embruns et l’air salin.

Bertrand GALIMARD FLAVIGNY, ancien CF (RCit)
10/07/2022

Le Paquebot
Pierre Assouline de l’Académie Goncourt
Gallimard

Voir également la recension du CF(H) Alain M. BRIERE et la recension du CF(H) Philippe BEAUCHESNE