Corto Maltese – Océan noir
- Auteur CF(H) Alain M BRIERE
- Publié dans Bandes-dessinées
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C’est comme le Canada Dry : ça a l’à plat noir qu’aimait Hugo Pratt, ça ressemble à Corto Maltese, l’histoire est alambiquée comme toujours dans les aventures du marin nonchalant, on y croise Raspoutine et les filles sont jolies comme il se doit mais ce n’est pas du Corto Maltese.
Les Espagnols Juan Diaz Canales et Ruben Pellejo ont eux, abordé humblement l’œuvre d’Hugo Pratt, raconté d’autres aventures passionnantes de Corto Maltese mais sans se risquer directement sur le terrain du maître. Leurs trois albums sont plaisants à lire et le trait n’aurait pas déplu au génial Pratt.
Bastien Vivès, sans doute le plus brillant des jeunes auteurs de bandes dessinées, a sans conteste un style proche de celui d’Hugo Pratt mais à mon sens, il n’arrive pas à ‘remplir’ le personnage qui reste un peu falot et qui déambule sans vraiment s’impliquer, dans le monde chaotique contemporain.
Sans doute la nostalgie d’une époque qui n’est plus, est-elle la cause de ma réserve sur ce pseudo Corto Maltese dont je ne retrouve ni l’élégante désinvolture, ni la réflexion désabusée face à la nature humaine.
Cela étant, j’imagine sans peine que beaucoup de jeunes lecteurs trouveront du plaisir à suivre l’errance de ce marin d’un autre temps, à la recherche d’un trésor toujours mythique.
Spectateur d’un yujo kabuki à Tokyo, manipulé par le naicho, les services secrets nippons, abordé par un navire d’éco-warriors en plein océan Pacifique, un moment naufragé sur une plage du Pérou, il rencontre des nikkei, ces japonais exilés et un tantinet nostalgique rêvant de renverser leur Empereur. Spectateur à distance de la chute des tours de Manhattan, Corto new-look apostrophe en yiddish Colin Powell puis renoue une idylle avec une jeune et jolie journaliste avec laquelle il fait du nudisme sur un yacht de rêve……Le héros de ces aventures aurait pu aussi bien ne pas s’appeler Corto Maltese ‘d’après Hugo Pratt’ mais l’éditeur en a sans doute décidé autrement.
En postface de l’ouvrage, Fausto Fasulo, journaliste notoirement spécialiste de BD écrit avec enthousiasme …en s’emparant de l’icône Corto Maltese, Vivès et Quenehen embrassent plus qu’un monde : ils étreignent un vertige. Celui d’une postérité intimidante, d’une icône qui a depuis longtemps aboli les frontières de son médium, d’un artiste panthéonisé donc potentiellement tétanisant. Bref ils se frottent à un Léviathan. Mais en ne cherchant ni à le dompter ni à s’y inféoder, les deux auteurs optent pour une troisième voie, non pas médiane mais personnelle: la réappropriation par l’obsession.
Sic dicunt les doctes dont je ne fais pas partie, on l’aura compris.
CF(H) Alain M. BRIERE
07/11/2021
CORTO MALTESE – L’OCEAN NOIR
Bastien Vivès (dessin) – Martin Quenehen (script)
Editons CASTERMAN
Voir également la recension du CC(R) Jean-Pascal DANNAUD