Mauvaise étoile
- Auteur CV(H) Philippe HENRAT
- Publié dans Livres, Recensions
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Il est pardonnable de ne pas reconnaître immédiatement le nom de Guillaume Le Gentil de La Galaisière, considéré, à tort ou à raison, comme l’astronome le plus malchanceux du XVIIIème siècle. Ce livre – et c’est là son plus grand mérite – tout en faisant, avec esprit, revivre ses aventures, permet à un lecteur, même d’érudition modeste, de se familiariser avec le prodigieux essor de l’astronomie au siècle des lumières car l’auteur a le mérite de s’être très sérieusement documenté sur l’extraordinaire développement des sciences, astronomiques en particulier, au cours du XVIIIème siècle.
Né à Coutances le 12 septembre 1725, Guillaume Joseph Hyacinthe Jean-Baptiste Le Gentil de La Galaisière avait, à l’origine, entrepris des études de théologie, mais se passionna pour l’astronomie et s’attira la sympathie de Jacques II Cassini, directeur de l’observatoire de Paris. Ayant découvert plusieurs objets célestes et une nébuleuse, admis à l’Académie des Sciences, il se porta volontaire pour aller observer à Pondichéry le passage de Vénus devant le Soleil, prévu pour le 6 juin 1761. Parti de Brest le 26 mars 1760, il arriva à l’île de France où il resta bloqué pendant des mois, la guerre de Sept Ans ayant rendu hasardeuses les liaisons maritimes entre les Mascareignes et l’Inde. Il retrouva l’espoir en février 1761 lorsque le commandant de la frégate la Sylphide accepta de l’emmener jusqu’à la côte de Coromandel. Hélas ! En cours de route, on apprit la chute de Pondichéry et, après avoir croisé pendant plusieurs semaines dans l’océan Indien, la décision fut prise de rentrer à l’île de France. Le 6 juin, Le Gentil tenta de procéder à des observations à partir du pont de la Sylphide, mais n’obtint que des résultats médiocres en raison des mouvements de plate-forme. Le prochain transit de Vénus devant avoir lieu huit ans plus tard, il décida de rester dans la région et passa les années suivantes à parcourir l’océan Indien de Madagascar à Manille, effectuant diverses recherches et observations scientifiques, avant de revenir à Pondichéry. Mais la chance était décidément contre lui : le 4 juin, jour du passage de Vénus, le temps, qui avait été radieux jusque-là, se couvrit au moment de l’observation et, lorsque le Soleil reparut, Vénus avait déjà quitté son disque. L’infortuné astronome rentra en France en 1771 pour découvrit que, ses lettres s’étant perdues, l’Académie des Sciences l’avait d’office versé parmi les vétérans (les honoraires), que sa famille, le croyant mort, avait commencé à se partager ses biens et que son notaire l’avait scandaleusement grugé. Toutefois, la malchance l’avait assez éprouvé : l’Académie lui rendit ses droits (il fut nommé pensionnaire en 1782), il se maria, eut une fille et poursuivit une carrière active et fructueuse jusqu’à sa mort le 22 octobre 1792.
Le livre de Christophe Migeon appartient à un genre mi-historique mi-romancé que l’on pourrait qualifier d’« histoire dialoguée ». Il se lit agréablement ; le style – dans la lignée de celui des « Hussards » – est fluide, quoique par endroits un peu familier. Son ouvrage comporte peu d’erreurs historiques graves mais il multiplie parfois les lieux communs, voire les racontars, ou se lance dans des digressions sans rapport avec son sujet (tels que l’histoire du tragique naufrage de l’Utile sur la future île Tromelin). D’autre part , s’il invoque, au début de son livre, la nécessité de « reconstituer quelques dialogues », il abuse parfois de cette tolérance et en profite pour tracer des portraits caricaturaux de personnages tels que le futur lieutenant général François-Aymar de Monteil, ou l’intendant Pierre Poivre.
Bref, un livre sans prétention, de lecture agréable, voire instructive, à condition de n’y point chercher un travail historique très poussé.
Nota : Pour les érudits, car le diable se loge souvent dans les détails : le bâtiment à bord duquel Le Gentil se rendit à Madagascar en 1762 ne se nommait pas LA Silhouette, mais bien LE Silhouette, du nom du contrôleur général des finances Étienne de Silhouette.
CV(H) Philippe HENRAT
08/03/2021
Mauvaise étoile,
Ou les calamiteuses mais véridiques tribulations d’un astronome dans les mers de l’Inde.
Christophe Migeon
Paulsen