Fortune de Mer en Arabie

L’auteur, ancien navigant à feu la Compagnie Maritime des Chargeurs Réunis, s’est immergé dans les archives de la « Brandy line » (référence aux cinq étoiles de son pavillon), et a collationné nombre de témoignages et d’articles de presse de l’époque pour relater le naufrage en 1903, du paquebot-mixte Amiral Gueydon au nord de l’îlot Socotra, en sortie de mer Rouge.


Le navire de construction récente, marche à la vapeur mais est toujours grée de 2 mâts permettant (en théorie) d’établir une voilure de fortune. 1903, l’hiver est sévère et l’on déplore la famine sur les côtes bretonnes, Loubet est président de la République, Edmond Rostand est reçu à l’Académie française et le Liban de la compagnie Fraissinet, aborde par beau temps l’Insulaire en sortie de Marseille. 


L’Amiral Gueydon lui, quitte Marseille à la mi-juillet et fait route vers le Tonkin pour y décharger sa cargaison de poutrelles et débarquer ses sept passagers dont une mère et ses deux fillettes. C’est bientôt le détroit de Bonifacio puis Port-Saïd où l’éternel magicien GaniGani fait apparaître et disparaître son petit poussin jaune, tandis que le navire soute dans la poussière de charbon avant de traverser le Canal. On suffoque en Mer Rouge avant de rencontrer la mousson de Sud-Ouest dans l’Océan Indien qui chahute le navire.

Le 29 juillet une explosion dans la cargaison provoque un incendie attisé par le vent qui conduit le commandant Logre à chercher refuge en se laissant dériver vers la côte au nord. Là, il échoue son navire dont l’arrière s’enfonce dans la mer. On débarque vivres et passagers pour une aventure à la Robinson Crusoé sur les plages yéménites. Grace au Cheik du coin, les naufragés s’entassent dans trois boutres vers Mascate et sont recueillis par un bateau russe, le Trouvor bien nommé, qui les débarque sains et saufs à Aden fin août et fin de l’aventure.

Pendant ce temps, sans nouvelles de l’Amiral Gueydon, l’armateur inquiet dédramatise pourtant l’absence de nouvelles du navire tandis que la presse s’alarme et multiplie ses gros titres racoleurs.

Le récit des rescapés donnera matière aux journaux de l’époque à broder, fantasmer et fustiger le capitaine du navire anglais Afghanistan qui a refusé de les secourir. 

Le Petit Journal dans son édition du 11 octobre, ira jusqu’à écrire dans ses colonnes : « Un navire anglais, l’Afghanistan, les rencontra épuisés, mourant de soif ; mais il refusa, avec l’égoïsme féroce particulier à cette race, de les prendre à son bord. » 

Fermez le ban, l’Entente cordiale n’est pas loin…


Malgré toute ma sympathie pour les naufragés, cette aventure semble à vrai dire un peu trop idyllique, sans véritable drame et dont le commandant, l’équipage, les passagers et même les ‘sauvages autochtones’ sont bien comme il faut, tout comme le Cheik de l’histoire qui se révèle fort aimable dans une région plutôt hostile. C’est sans doute pourquoi la presse d’alors s’est tant ingéniée à vouloir faire une tragédie de cet happy end.

Jacques Dupuet fait suivre son récit d’un épilogue intéressant sur les navires naufragés dans l’océan Indien, les caractéristiques techniques de certains d’entre-eux, le devenir des rescapés et la personnalité du comte Louis Henri de Gueydon.

CF(H) Alain M. BRIERE
30/03/2020

Fortune de Mer en Arabie
Jacques Dupuet
ANCRE DE MARINE

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