Moby Dick

Faut-il présenter ici Moby Dick, le roman d’Herman Melville, publié en 1851 ? Doit-on en résumer l’intrigue alors que le film de John Huston est gravé dans les mémoires ? Qui n’a entendu parler d’Achab, de Starbuck, de Queequeg, de Daggoo et d’Ishmaël ? Pour ceux qui auraient raté cet embarquement qui a marqué des générations de lecteurs, cet ouvrage conte l’existence des chasseurs de baleines embarqués sur le Pequod, et la folle quête du capitaine Achab qui n’a de cesse de retrouver Moby Dick, un cachalot blanc qui lui a emporté une jambe lors d’une précédente chasse.

Moby Dick conserve un fort pouvoir d’évocation et intéresse cette année le neuvième art : après Chabouté (chez Vents d’Ouest), l’excellente collection Noctambule en propose une libre adaptation par Alary et Jouvray. Les approches sont assez différentes, le premier misant sur deux tomes en noir et blanc, les seconds offrant un « one shot » en couleurs.

Olivier Jouvray s’est attelé à un travail délicat : celui de faire tenir dans un canevas de 120 pages un monument littéraire dense, qui mêle une aventure maritime épique, des caractères à la psychologie complexe et des considérations techniques sur la chasse à la baleine. L’exercice, difficile, est presque réussi. La rencontre entre Ishmael et Queequeg, la prophétie d’Elie, le serment galvanisant d’Achab lorsqu’il cloue le doublon espagnol au mat du navire, ses déambulations nocturnes qui résonnent dans le navire, etc. : l’essentiel est là. Pourtant, quiconque aura lu le roman trouvera cette adaptation édulcorée ; mais pouvait-il en être autrement ? Le scénario n’a pas l’espace suffisant pour distiller lentement les ambiances sourdes et désespérées de l’œuvre originale. Et curieusement, si le récit ne pêche pas par son rythme, il semble toutefois manquer un peu de souffle.

Pierre Alary, par son dessin vif et nerveux, arrive à restituer l’atmosphère qui règne à bord du Pequod, l’isolement des marins face à un homme seul et résolu, l’opposition désenchantée – mais empreinte de respect réciproque – entre Starbuck et le capitaine Achab, ainsi que l’obsession mystique de ce dernier. Le jeu des couleurs, par aplat de quelques rares dominantes, et le crayonné y sont pour beaucoup. Les personnages ne manquent pas de caractère. Bien sûr, on pourra regretter qu’Ishmael soit un peu falot et que le portrait d’Achab évoque trop Gregory Peck. Mais Queequeg et Starbuck sont remarquables. Et dans l’ensemble, les planches sont très belles.

Cet album épais se lit d’un trait et illustre le magnétisme que l’écrivain américain exerce encore sur les auteurs actuels. Fidèle et rendant un bel hommage au livre de Melville, il offrira, pour qui ne connait pas encore le légendaire Moby Dick, une entrée en matière mémorable et accessible.

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