Jean Bart, Corsaire du Roi-Soleil

PMO_JeanBartOn ne présente pas Patrick Villiers, professeur (aujourd’hui émérite) d’histoire moderne à l’Université du Littoral-Côte d’Opale, fondateur du Centre de recherches en histoire atlantique et littorale, cinq fois lauréat de l’Académie de Marine pour ses remarquables travaux sur l’histoire maritime et grand pourfendeur d’idées reçues sur la traite négrière et la guerre de course. Nul n’était plus qualifié que lui pour rédiger LA biographie définitive de Jean Bart, en raison de sa connaissance exhaustive des sources archivistiques dunkerquoises, certes fâcheusement amoindries par les ravages des deux conflits mondiaux, mais encore fort riches pour qui sait les identifier et les exploiter.

À l’instar d’autres grands marins du règne de Louis XIV (tels qu’Abraham Duquesne et René Duguay-Trouin), c’est par la guerre de course que s’est d’abord fait connaître Jean Bart (ou Baert, comme on l’écrit parfois à l’époque). De manière classique autant que logique, Patrick Villiers commence par le replacer dans son milieu social et familial d’origine : celui de la petite bourgeoisie d’une ville maritime qui, au hasard des traités, passe de l’Espagne à la France, voire à l’Angleterre. Issu d’une longue lignée de capitaines à la pêche ou au cabotage (en temps de paix) et à la course (en temps de guerre), le futur chef d’escadre, comme tous les enfants des familles maritimes de l’époque, commence à naviguer dès l’âge de 12 ans sur des navires commandés par des membres de sa famille. Après avoir combattu sous les ordres directs de Ruyter, acquérant ainsi une expérience irremplaçable, il passe au service de la France et se révèle comme un virtuose de la guerre de course, capturant plus de cinquante prises entre 1674 et 1678. Intégré dans la Marine royale, il va connaître un avancement rapide, justifié par ses exploits, et mettre au point une tactique de guerre économique basée sur l’emploi de divisions de frégates rapides et maniables. En juin 1694, son plus grand exploit, qui lui vaudra son anoblissement, sera la reprise près du Texel, sur une puissante escadre hollandaise, d’un énorme convoi de blé, vital pour la sécurité alimentaire du royaume. Après avoir brillamment remporté une autre victoire en 1696 sur le Dogger Bank, il succombera prématurément à une pleurésie à l’âge de 50 ans.

La légende a fait de Jean Bart l’archétype des corsaires, commettant ainsi un contresens historique. Patrick Villiers nous démontre, en effet, que, s’il a bel et bien commencé sa carrière dans le privé, c’est surtout au sein de la Marine royale qu’il a atteint son apogée. Spécialiste de la guerre au commerce ennemi, pour laquelle il conçut une tactique d’un étonnant modernisme, il obtint, au cours de cette lutte pour la liberté des communications maritimes dans cette zone névralgique qu’était la mer du Nord, des résultats qui permirent d’écarter du royaume le spectre de la famine et de rapporter d’appréciables subsides au Trésor royal. Bien loin de ne songer qu’à ses propres intérêts, il fit toujours passer le service du roi avant eux.

Sous la plume alerte de Patrick Villiers, la vie de ce personnage hors du commun, témoin et acteur du grand essor de la Marine française sous le Roi-Soleil, se déroule de manière captivante. Tout en restant rigoureusement fidèle à la vérité historique, l’auteur a su adopter un style agréable qui rend la lecture de cette biographie aussi passionnante que celle d’un roman. Pour ceux qui souhaitent en savoir plus long, une riche bibliographie et une série d’annexes permettent d’approfondir le sujet. Bref, nous avons là un ouvrage qui devrait réussir l’exploit quasi-impossible de plaire à la fois aux historiens et au grand public.

 

CV (H) Philippe Henrat

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