Durant la Deuxième Guerre Mondiale, le lieutenant* Walter Woolf, jeune officier de la Royal Navy affecté aux sous-marins, ambitieux et impatient, ronge son frein de ne pas se voir attribuer une commission de commandement. Le chemin est semé d’embuches pour parvenir à cet objectif lorsque l’expérience au combat fait encore défaut. Au contact de commandants chevronnés, Woolf va suivre une lente et cuisante initiation, faite d’échecs sévères et de déceptions honteuses, avant de devenir un chef capable et avisé.

« Commander un sous-marin forme un homme ou le brise ». La rigueur, la sagesse et l’expérience de l’Amiral – s’adressant à Woolf –, qui sait combien la maturation d’un officier est cruciale dans l’acquisition de l’art du commandement, sont toutes entières dans cet aphorisme que l’on croirait sorti du « Royal Navy Officer’s pocket-book ». A cette aune, Les derniers corsaires est tout autant un récit d’aventure qu’un roman d’apprentissage. Le lieutenant, d’abord novice impétueux, prend progressivement conscience du sens des responsabilités auxquelles il aspire et gagne l’étoffe qui lui faisait défaut.

Si l’histoire repose sur cette intrigue, qui s’ingénie à montrer les rapports complexes et souvent difficiles de maître à élève, elle sait également mettre en évidence la réalité de la guerre sous-marine. Les ambiances tendues dans les espaces confinés du submersible, où la navigation constitue déjà en elle-même un danger, le stress intense des phases de combat et les émotions fortes en cas d’avarie sont admirablement restitués. Les aspects tactiques sont quant à eux amenés naturellement, presque en filigrane.

Précis, documenté et bien construit, le scénario est rehaussé par un dessin dont le trait naïf et les couleurs sommaires masquent une construction riche et vivante. Œuvre d’imagination inspirée de divers faits réels, les auteurs québécois de cet album ont réalisé un magnifique travail qui, dans une certaine mesure, n’est pas sans rappeler le roman de Nicholas Monsarrat, La mer cruelle.

*  grade qui, dans la Royal Navy, correspond aux trois galons de lieutenant de vaisseau.

L.V. (R) Jean-Pascal DANNAUD